CAMEROUN : ENCORE DES MORTS SUR NOS ROUTES !
Accidents de la route : causes et solutions globales pour le Cameroun
Le Dimanche 27 Décembre 2020 a été secoué par les informations sur les accidents de la circulation intervenus sur nos routes. Sur l’axe Bafoussam – Yaoundé plus précisément au niveau du pont de Nomale situé à 7 Km de Ndikiniméki (département du Mbam et Inoubou, région du Centre), un accident de circulation d’un bus de 70 places de l’Agence AVENIR DU NOUN qui esquivait un camion a fait perdre la vie au moins à 37 personnes et une vingtaine d’autres ont été blessées. La route Mengong (département de Mvila, région du Sud) – Sangmélima (département du Dja et Lobo, région du Sud) dans la région du Sud : 03 morts parmi lesquels commissaire de police Jean Claude BOMO de Messamendongo. A Melong (département du Moungo, région du Littoral), une collision entre un véhicule de transport personnel et un bus de
BEKO EXPRESS a été à l’origine de 02 morts et au moins 6 blessés. D’autres accidents ont été répertoriés dans le pays avec juste des blessés.
CAUSES DES ACCIDENTS
Les causes d’après les informations qui circulent et recoupées auprès de certains acteurs étatiques de la sécurité routière font état de ce que l’excès de vitesse a été prépondérant. Le non port de ceintures de sécurité s’en suit ainsi qu’éventuellement l’état du conducteur. L’état de la route est aussi incriminé car dans le cas de Mélong, la petite voiture aurait eu une crevaison en entrant dans un trou sur la route, ce qui l’aurait orientée vers le bus.
Une analyse des causes profondes s’impose :
- Au-delà de l’incivisme et de l’absence de formation des conducteurs des véhicules, l’excès de vitesse s’explique habituellement par l’absence ou l’insuffisance de la signalisation routière. Les pressions liées au désir d’aller vite et d’effectuer plusieurs tours expliquent aussi cet excès de vitesse chez les conducteurs professionnels.
Malheureusement, il est souvent surestimé le gain de temps lorsque l’on roule à grande vitesse.
- Le port systématique des ceintures de sécurité aurait substantiellement sauvé plus de vies dans l’accident incriminant le bus de 70 places car les passagers ont dû être éjectés tels des projectiles lors de la violente dérive de leur véhicule. Malheureusement, la majorité des véhicules de transport en commun n’en disposent à l’arrière. La loi n’en exige d’ailleurs pas car seuls les occupants de l’avant du véhicule sont obligés d’en porter d’après la législation en la matière (arrêté N°003965/A/MTPT portant règlementation du port obligatoire de la ceinture de sécurité dans les véhicules automobiles du 23 juillet 1991). D’après le même arrêté, les conducteurs qui effectuent une marche arrière, les chauffeurs de taxis, les livreurs, les femmes enceintes et personnes qui sont en possession d’une dérogation délivrée en raison d’une contreindication médicale grave sont dispensés du port obligatoire de la ceinture de sécurité.
- Concernant l’état des conducteurs de véhicules, la problématique de leur santé et de leur sécurité est à considérer. Il y a lieu de se demander si le timing de repos est respecté (Au moins 20 minutes de repos après 2 heures de conduite !). La conduite de nuit nécessite une attention accrue, ce qui est de nature à fatiguer rapidement le cerveau et diminuant de fait la concentration et la visibilité si le sommeil s’y ajoute surtout du fait d’une absence de repos ou d’une atteinte insidieuse des yeux. Les visites systématiques annuelles sont-elles respectées dans les entreprises de transport !? La réponse peut aussi en dire long.
- L’état des routes est à l’origine des accidents graves. Les 02 morts de l’accident intervenus à Mélong auraient été évités si la route était bonne. L’étroitesse de la route peut aussi justifier l’accident de Ndikiniméki. Le réseau routier au Cameroun est de nombreuses irrégularités (nids de poules, signalisations absentes ou incongrues, étroitesse, ….) qui augmentent le nombre de morts sur nos routes !
SOLUTIONS POUR LA SECURITE ROUTIERE AU CAMEROUN
Mes solutions sont globales et tournent autour des 5 piliers de la sécurité routière prescrits par les Nations Unies et portant sur :
1°/ le renforcement des capacités de gestion de la sécurité routière
La gestion de la sécurité routière au Cameroun devra être holistique, multidisciplinaire et surtout coordonnées par UNE SEULE structure chef de fil. Ceci constitue une recommandation de des Nations Unies. C’est cette structure qui sera alors chargée de définir une véritable politique de sécurité routière pour le Cameroun assortie des objectifs desquels découleront un plan d’action à long, moyen et long termes. Les rôles et responsabilités des différents acteurs (Police, Gendarmerie, Ministère du Transport, Ministère des Travaux Publics, Ministère de l’Habitat et du Développement urbain, Ministère de la Santé Publique, … chambres hautes et basses du parlement, ONG, Experts, ….) seront alors attribués. Les statistiques en matière de sécurité routière seront plus exactes car les chiffres collectés par la Police en milieu urbain et par la Gendarmerie en milieu interurbain seront synchronisés. En bref, l’on saura qui fait quoi. Les actions ne seront plus focalisées essentiellement sur la sensibilisation et la répression car elles représentent à peine 15% de ce qui doit être fait ! Un cadre juridique convenable devra être créé pour favoriser la naissance et le fonctionnement de cette structure nationale qui devra être composée de véritables experts ne répondants pas au politiquement correct.
L’initiative « opération zéro accident » du Ministre actuel des Transports n’a pas eu l’écho souhaité. Il devra convoquer les experts en sécurité routière du Cameroun (qui sont aujourd’hui presqu’une dizaine) et ne plus se limiter aux syndicats, les acteurs impliqués dans la délivrance des permis de conduire ou des interventions post-accidents.
Il convient n dernier essor de densifier et d’actualiser les instruments réglementaires (Arrêté 0011/A/MINT du 23/02/1998: contrôle technique des véhicule, Arrêté 94/004/MINT du 21/11/1994: carte grise et plaques d’immatriculation; Assurance et vignette automobile, …) de sécurité routière au Cameroun. Les normes en cours de rédaction par le Groupe de Travail 56 (Transport et
Sécurité Routière) doivent être approuvées et rendues d’application obligatoire.
Il est à noter qu’à la suite de la demande de l’Assemblée générale des Nations Unies, le 22 novembre 2017 les États Membres sont parvenus à un consensus sur 12 cibles mondiales de performance en matière de sécurité routière. La cible 1 (D’ici à
2020, faire en sorte que tous les pays établissent un plan d’action national multisectoriel et exhaustif pour la sécurité routière assorti de cibles limitées dans le temps) n’a visiblement pas été atteinte au Cameroun. Il convient de ne pas passer à côté de la seconde (Cible 2 : D’ici à 2030, faire en sorte que tous les pays accèdent à au moins un des principaux instruments juridiques de l’ONU relatifs à la sécurité routière).
2°/ L’amélioration de la sécurité de l’infrastructure routière et, plus généralement, des réseaux de transport
- Les routes sont à repenser, les dénominations à revoir, la construction à effectuer selon les normes. Les maintenances préventive et curative doivent être effectives. Il est à préciser de très bon projets routiers sont envisagés çà et là au Cameroun mais nous donnons l’impression de ne pas comprendre qu’en management, au-delà de la planification, il y a la mise en œuvre qui doit être vérifiée et surveillée afin de prendre des mesures conséquentes. On doit ainsi s’inscrire dans la logique de PDCA (Plan – Do – Check – Act soit Planifier, Réaliser, Vérifier ou Contrôler et Agir) qui est la clé de l’amélioration continue. Les deux premiers volets (Planifier et Réaliser sont souvent bien entamés mais c’est le défaut des deux derniers lié au laxisme et clairement à la corruption qui constitue le facteur limitant. Pour y remédier, planification doit toujours laisser parole en dernier essor aux experts (Confère Autoroute Yaoundé –
Douala), l’attribution des marchés publics des infrastructures routières doit suivre une certaine rigueur (confère pénétrante Est de la ville de Douala), les contrôles doivent être objectifs et les mesures qui en découlent doivent, au-delà de servir de leçon à tous les prestataires, permettre de corriger effectivement les non-conformités.
- Il est évident que si la plus grande instance du pays pouvait passer à tout moment dans un chantier pour un contrôle inopiné en prélevant par exemple des carottes de bitume pour vérifier, les choses se passeraient autrement. Cela limitera la desquamation observée sur certaines de nos infrastructures moins d’un an après réception.
- Le Cameroun doit ainsi se préparer à répondre aux Cibles 3 (D’ici à 2030, faire en sorte que toutes les nouvelles routes respectent les normes techniques relatives à la sécurité routière pour l’ensemble des usagers de la route, ou qu’elles soient classées 3 étoiles ou plus) et 4 (D’ici à 2030, faire en sorte que plus de 75% des déplacements sur des routes existantes se fassent sur des voies respectant les normes techniques relatives à la sécurité routière pour l’ensemble des usagers) .
3°/ l’amélioration de la sécurité des véhicules
Les véhicules incriminés dans des accidents avec grand nombre de morts au Cameroun sont le plus souvent vieux datant de plus d’une vingtaine d’années et ayant parfois été conçus pour le transport urbain. Une fois importés, ces véhicules sont souvent restructurés pour augmenter la capacité en nombre de places au détriment de la sécurité.
Il convient d’améliorer la sécurité des véhicules notamment en limitant davantage l’importation des vieilles voitures, en définissant les contrôles des dispositifs sécuritaires des véhicules à importer au Cameroun et en élargissant l’obligation du port des ceintures de sécurité à l’ensemble des occupants grâce à une législation conséquente. Cela permettra au Cameroun de se mettre en voie sur la Cible 5 des Nations
Unies : D’ici à 2030, s’assurer que la totalité des véhicules neufs (définis comme produits, vendus ou importés) et d’occasion sont conformes aux normes de qualité strictes en matière de sécurité, par exemple aux règlements prioritaires de l’ONU, aux Règlements techniques mondiaux ou aux critères de performance nationaux reconnus équivalents.
4°/ La modification du comportement des usagers de la route
Dans le cas de l’agence AVENIR DU NOUN qui a eu un second bus dans la broussaille au même endroit, ses pratiques en matière de prévention routière doivent être revues de près. Modifier le comportement des usagers revient en effet à assurer leur sécurité.
Il faudra effectuer un audit routier relatif à la signalisation routière (horizontale et verticale) ainsi que des points noirs et corriger le gap ; veiller à une sensibilisation/formation effective des conducteurs sur la limitation des vitesses et la conduite défensive en général ; empêcher davantage la fraude au cours de l’obtention des permis de conduire ; intensifier le test d’alcool chez les conducteurs ; s’assurer du suivi médical à une fréquence planifiée des conducteurs ; former les usagers de la route en premiers secours ; sanctionner avec la plus grande fermeté l’usage du téléphone au volant ; systématiser les temps de conduite et de repos des conducteurs ; encourager les conducteurs à adapter la vitesse à la route et non uniquement aux panneaux car ce n’est pas obligé de dépasser 50 Km quand bien même il n’y a aucune interdiction ! Pour y parvenir, les cibles des Nations Unies à adopter sans retenu au Cameroun sont :
- Cible 6 : « D’ici à 2030, diviser par deux la part des véhicules roulant audessus des limitations de vitesse affichées et réussir à faire baisser le nombre de traumatismes et de décès dus à la vitesse ».
- Cible 7 : « D’ici à 2030, accroître la part de motocyclistes utilisant correctement un casque conforme aux normes pour se rapprocher de 100 % ».
- Cible 8 : « D’ici à 2030, accroître la part des occupants de véhicules à moteur utilisant la ceinture de sécurité ou un dispositif de retenue pour enfants conforme aux normes pour se rapprocher de 100 % ».
- Cible 9 : « D’ici à 2030, diviser par deux le nombre de blessures et de décès dus à des accidents de la circulation causés par des conducteurs ayant consommé de l’alcool et/ ou réussir à réduire ce type de blessures et de décès causés par des conducteurs ayant consommé d’autres substances psychoactives ».
- Cible 10 : « D’ici à 2030, faire en sorte que tous les pays soient dotés d’une législation nationale visant à restreindre ou à interdire l’utilisation du téléphone portable au volant ».
- Cible 11 : « D’ici à 2030, faire en sorte que tous les pays approuvent une réglementation sur les temps de conduite et de repos des conducteurs professionnels et/ ou adoptent la règlementation internationale/régionale en vigueur ».
5°/ l’amélioration des services d’urgence et des autres interventions après un accident
Les blessés des accidents de la journée ont été dirigés dans les formations hospitalières ayant des plateaux techniques qui diffèrent selon leurs catégories (Centre
Médical d’Arrondissement de Makénéné, Hôpital de district de Ndikiniméki, Centre des Urgence de l’Hôpital Central de Yaoundé, … Hôpital de District de Mélong). Pour avoir été dans plusieurs hôpitaux de notre pays, les plaintes quant à l’insuffisance du plateau technique tel qu’il doit l’être dans la catégorie ainsi que du nombre de personnel ne cessent quasiment pas. Il convient de fournir suffisamment tous les hôpitaux du pays en ressources (humaines, matérielles, financières, …) pouvant intervenir promptement et conséquemment aux accidents. Le personnel devra être formé en prise en soin d’urgence.
La Cible 12 de performance en matière de sécurité routière des Nations Unies pourra alors être couverte si les activités sont menées à bon escient : « D’ici à 2030, faire en sorte que tous les pays fixent et respectent des cibles nationales visant à réduire le délai entre un accident de la circulation et la prestation des premiers soins médicaux d’urgence par des professionnels ».
QU’AI-JE DEJA FAIT EN MATIERE DE SECURITE ROUTIERE ?
En ma qualité de Consultant-Formateur certifié en QHSE, Sécurité Routière et
Performance Opérationnelle, j’ai été de plusieurs rendez-vous de la Sécurité Routière, je suis déjà intervenu en tant qu’Expert en Management de la Sécurité Routière pour : – Organisation Mondiale de la Santé (OMS) lors de l’Atelier d’évaluation de la décennie d’action pour la Sécurité Routière au Cameroun et l’alignement aux Objectifs de Développement Durable. Kribi : 12 au 13 Décembre 2017 dans le groupe travail « Gestion de la sécurité routière et législation ». En effet, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté la résolution A/RES/64/255, en mars 2010,, par laquelle elle proclame la décennie 2011-2020 Décennie d’action pour la sécurité routière en vue de stabiliser puis de réduire le nombre prévu de décès imputables aux accidents de la route dans le monde en multipliant les activités menées aux niveaux national, régional et mondial. L’atelier avait pour objectif d’évaluer le parcours du Cameroun.
- Agence des Normes et de la Qualité (ANOR) : Membre du Groupe de Travail 56 qui rédige les normes de Transport et de Sécurité Routière au Cameroun. / Participant à l’atelier de formulation/validation des objectifs de Sécurité Routière au Cameroun.
- Safe Way Right Way au cours de la Semaine de la Sécurité Routière (2018) à Douala: présentation orale sur le Management de la Sécurité Routière selon ISO 39001.
- Salon International de la Logistique et de Transport du Cameroun (SITRALC) à Yaoundé (2018): Présentations orales sur les thèmes : 1°) Management de la sécurité routière selon la norme ISO 39001 :2012. 2°) Problématique de la sécurité et sante des transporteurs.
- Salon de l’automobile et de la sécurité routière (SASPRO) à Yaoundé (2017 et 2018) : Présentations orales sur les thèmes : 1°) Eco-Transport dans le contexte Camerounais. 2°) Management de la sécurité routière selon la norme ISO 39001 :2012.
- Mairie de Yaoundé 6 / Plateforme praticienne de réduction des risques de catastrophe de la Commune de Yaoundé 6. Formation des Chefs d’Equipe de Secours Routiers (24 Novembre 2017) en Gestion de la Sécurité Routière.
- Croix-Rouge Camerounaise / Cabinet HOSEC – Commémoration de la Journée de Souvenir des Victimes des Accidents de la Route (2017) : Consultant / Coordonnateur en Gestion de la Sécurité Routière.
- SOGEA SATOM / ADREM SARL (2016 et 2017): Formateur sur le
Transport et la manipulation des produits dangereux
- Cabinet Holistic Services and Consulting (HOSEC) / Douala : Formation d’une trentaine de personnes sur les Fondamentaux de la Sécurité Routière et Certification de 02 personnes sur ISO 39001.
- ….
Lors de ces différentes interventions, j’ai toujours échangé, lorsque l’occasion se présente, avec les responsables Etatiques au rang desquels l’Ex Inspecteur Général du Ministère des Transports, le Directeur du Transport Routier du Ministère des Transports, le Point focal de la Sécurité Routière (CONAROUTE) au Premier Ministère, les représentants de la Gendarmerie tout comme avec les Experts Indépendants et les leaders d’Associations. Il ressort clairement la nécessité de synchroniser les actions de tous les acteurs de la Sécurité Routière du Cameroun afin de les coordonner pour une meilleure efficacité.
POUR TERMINER
La Sécurité Routière est une affaire de tous et de chacun. Un bon management en la matière au Cameroun fera baisser substantiellement le nombre de morts et de blessés sur nos routes. Cela implique entre autres la création d’un organe leader fédérant les compétences et représentations de toutes les parties intéressées de la Sécurité Routière, l’attribution des rôles et responsabilités pour l’atteinte des objectifs préalablement fixés sur la base de la politique émanant de la compréhension réelle du contexte Camerounais en la matière. J’encourage la mise en œuvre des exigences de la norme ISO 39001 au sein de toutes les entreprises disposant d’un parc automobile et aussi à l’échelle du Cameroun tout entier pour éviter les hécatombes dont le coût sur tous les plans n’est plus à évoquer.
Que reposent en paix toutes ces personnes qui ont perdu leur vie dans les accidents sur la voie publique. J’adresse toutes mes condoléances aux familles endeuillées et à toute personne ayant perdu un proche dans un accident de circulation dans ce pays !
Par Dr MOUELEU Pierre,
Consultant-Formateur Certifié en QHSE (Qualité, Hygiène, Sécurité et Environnement), Sécurité Routière et Performance Opérationnelle.
Certifié « Lead Implementer ISO 39001, ISO 9001, ISO 21001 »
Formateur Certifié (PECB – Canada)
Tel : +237 695498481 / +237 676194442
Mail : moueleu@gmail.com
Douala – Cameroun
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